" Je te concède une très légère déclivité, annonça-t-il. Pas de quoi fouetter un chat, ajouta-t-il avec un sourire féroce.

- Maurice, tu devrais surveiller tes expressions. Ton humour est parfois exaspérant", répliqua celui qui avait, par sa remarque , déclenché les hostilités.

Puck le chat aimait bien tenir compagnie à son maître lorsque celui-ci travaillait dans le jardin. Il s'allongeait dans l'herbe, les pattes de devant croisées sous son museau et observait tous les faits et gestes de Maurice. Parfois, comme en ce moment, ses yeux se fermaient et il se mettait à ronronner bruyamment avant de s'endormir. Lorsque Puck rouvrit les yeux, Maurice terminait de ranger ses outils. Le chat s'assit et fit un brin de toilette en léchant ses poils gris longs et soyeux.

" Va plutôt prendre une douche, dit son maître en plaisantant.

- Maurice, n'oublie pas que je suis un chat. Et, comme tous les chats, je me lèche pour faire ma toilette, même si je parle et que mon quotient intellectuel est plus élevé que le tien."

Maurice vint se placer devant Puck et planta son regard dans les prunelles bien rondes de l'animal. " Tu n'es pas un chat. Tu es un ... un ... un extra-terrestre".

Les échanges ironiques entre le chat et son maître étaient fréquents et tous deux y prenaient beaucoup de plaisir.

Comme il faisait beau, Puck décida d'aller rendre visite à Antoinette, une vieille dame qui habitait une grande maison, à l'entrée du village. Antoinette, lors d'une de ses promenades quotidiennes, avait sympathisé avec Maurice qui était en train de planter des bulbes de tulipes. Comme, elle-même, aimait par-dessus tout les fleurs, chaque rencontre avec Maurice était l'occasion d'échanger des trucs et des conseils sur l'art d'avoir un joli jardin.

C'est ainsi que Puck avait fait la connaissance de la vieille dame. Mais, bien sûr, elle ignorait qu'il savait parler. Antoinette adorait recevoir des visites, aussi laissait-elle sa porte entrouverte toute la journée. Puck pénétra donc dans la cuisine de la vieille dame qui était en train d'écosser des haricots. Un ragoût était en train de mijoter dans un faitout, répandant une odeur agréable de viande aromatisée de thym et de laurier. " Oh Puck! C'est gentil de venir me rendre visite."

Puck sauta sur les genoux d'Antoinette qui se mit à le caresser entre les oreilles. Le chat ronronnait de plaisir, il adorait ça. Comme il l'avait dit peu avant à son maître, il était un chat et un chat, même doté de la parole, adore les caresses. Au bout d'un long moment, la vieille dame posa Puck sur le sol pour aller verser du lait dans un bol. " Viens donc boire, Puck. Tu dois avoir soif." Après avoir lapé son lait, Puck alla s'installer dans un fauteuil. Antoinette avait du y lire le journal car il était resté déplié. Puck s'installa dessus pour pouvoir le lire plus confortablement.

Bien sûr, ami lecteur, vous allez me dire : Quoi? Ce chat parle et en plus il sait lire? Eh bien oui, Puck est un chat qui sait parler et lire. Mais ne me demandez pas comment cela peut se faire car je n'en sais rien. C'est ainsi, tout simplement.

Une fois de plus, Puck s'était endormi, lorsqu'un drôle de bruit lui fit ouvrir les yeux. La vieille dame, toujours assise sur sa chaise, mais la tête rejetée en arrière, semblait avoir de grandes difficultés à respirer. Puck avait déjà vu ce genre de scène à la télévision. D'un bond, il sauta sur le guéridon qui accueillait le téléphone. C'était encore un modèle avec un combiné et un cadran. Puck décrocha le combiné qu'il posa sur la petite table et, avec une griffe, composa le numéro des services de secours. Il prévint du malaise d'Antoinette et, à l'aide de ses deux pattes antérieures, reposa le combiné sur sa fourche. Puis, il alla s'allonger aux pieds de la vieille dame, comme pour la surveiller.

Quelques minutes plus tard, les secours arrivèrent et embarquèrent Antoinette dans une ambulance.

" Je me demande qui a bien pu nous appeler, dit un des deux ambulanciers. Il n'y a pas un chien ici.

- Non, mais il y a un chat", répondit l'autre, goguenard.

De retour chez ses maîtres, Puck raconta ce qui s'était passé chez la vieille dame. Aussitôt, Anna, la femme de Maurice, téléphona à l'établissement hospitalier dont dépendait leur village, dans l'espoir d'obtenir des nouvelles d'Antoinette.

" Elle est sauvée, dit-elle, mais, il s'en est fallu de peu. Grâce à toi, Puck.

- Puck, je retire ce que je t'ai dit à propos des chats extra-terrestres", ajouta Maurice.

Edgar